De la catastrophe minière de la Chana, il n'y a plus aujourd'hui de témoins directs encore de ce monde. Reste le devoir de mémoire au travers des documents et témoignages collectés au fil des décennies grâce notamment au patient travail de Jean Marie Somet, marqué dans sa chair mais rescapé de ce drame, fondateur du musée de Villars qui porte aujourd'hui son nom.
Où était situé le puits de la Chana ?
Le secteur du Bois-Monzil a été le premier à révéler la richesse de son sous-sol en charbon dès le 18è siècle. La concession dite de la Chana a été délimitée en 1824. Son périmètre s'étendait sur les communes de Saint-Étienne (Momey et les Parisses), de Villars (Bois-Monzil) et de Saint-Priest (la Doa). Les puits 1 et 2 de la Chana se trouvaient ainsi à Saint-Étienne (actuel terrain de golf où une plaque commémorative signale le site). Les vestiaires des mineurs, les lavabos (qui ont servi de chapelle ardente et à entreposer les corps des victimes), la lampisterie et la maison du gouverneur étaient implantés le long de la rue Kléber quant à elle située à Villars. La catastrophe minière de la Chana a ainsi été associée à Villars, même si dans la presse nationale on parlait de Saint-Étienne.
Quand et comment s'est produite la catastrophe ?
En ce début d'année 1942, on venait de lancer l'exploitation de la 14è couche. Celle-ci était très peu inclinée, mais elle était classée franchement grisouteuse et poussiéreuse. Le mercredi 21 janvier 1942 vers 3 h 50, la visite de fond annonçait que « tout est normal ». Pourtant, à 4 heures, un coup de grisou enflammait la 14è couche (sur 130 mètres de long et à 600 mètres de profondeur) avec une centaine de mineurs coincés au fond. À 4 h 30 le dispositif de sauvetage était en place pour tenter de les délivrer. À 5 heures on remontait par le Puits Couriot les premiers blessés. À 7 heures c'était la désolation sur le carreau de la mine. La nouvelle de la catastrophe s'était très vite répandue. Des femmes, des enfants criaient d'une même voix leur désespoir. L'attente devait durer de longues heures et pour certains plusieurs jours. À 17 h 30 les premiers cadavres étaient remontés à la surface, autant de victimes aux visages écarlates et boursouflés. Il fallut deux jours pour remonter cinquante cadavres. Il faudra même huit jours pour retrouver les dernières victimes. Le samedi 24 janvier, les mineurs de la Loire firent d'émouvantes funérailles aux victimes du puits de la Chana en présence de nombreuses personnalités.
Combien de victimes ?
Le décompte officiel effectué par la Préfecture a recensé très précisément le nombre de victimes et de blessés. 59 corps seront retirés sans vie de la mine, 6 victimes décèderont à l'hôpital dans les heures et jours suivants, soit un total de 65 morts. 20 Français, 14 Polonais, 14 Nord-Africains, 5 Italiens, 3 Yougoslaves et Slovènes, 3 Allemands (d'origine polonaise), 3 Somaliens, 2 Portugais et 1 Arménien ont fait partie de cette triste liste à laquelle il convient d'ajouter 35 blessés dont certains gravement meurtris dans leur chair. C'est plus tard qu'ont été publiés (à tort) d'autres chiffres faisant état de 67 voire 68 victimes. Des cas d'homonymies, des inversions entre les noms et les prénoms et une erreur sur la plaque commémorative du cimetière ont contribué à entretenir le doute.
Et le cause ?
L'enquête officielle a conclu en quelques jours que cette flambée de grisou prolongée par un coup de poussière était due à la grave imprudence d'un mineur ayant allumé une cigarette. On aurait retrouvé un briquet à côté de sa dépouille mortelle. Ce mineur venait de l'est et aurait précédemment travaillé dans une mine de fer où fumer au fond était sans risque. Version que les mineurs ont majoritairement réfutée, une telle imprudence étant suicidaire. On sait aussi aujourd'hui qu'une enquête avait été ouverte un an après, concernant la possibilité d'un attentat. Sans suite probante.
Une solidarité nationale.
Les aides supposément versées aux familles sont restées un sujet longtemps tabou. Un formidable élan de solidarité nationale avait permis à l'époque de collecter une somme très importante (1,2 million de francs en plus d'une aide de l'État) pour venir en aide aux familles. Des secours immédiats et des rentes pour les veuves étaient prévus. On sait aujourd'hui que certaines familles, pourtant dans un grand besoin, n'ont jamais perçu le moindre sou. Précisons qu'en janvier 1942, le département de la Loire se trouvait encore en zone non occupée. Ce ne sera plus le cas après le 11 novembre de la même année lorsque fut soldé le dossier de la catastrophe, les Allemands ayant alors décidé d'occuper toute la France. L'administration de l'époque a-t-elle voulu soustraire à l'occupant cette manne financière qui risquait d'être confisquée ? Qu'est devenu l'argent ? Autant de questions sans réponses.
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